L’adaptation des vignobles au changement climatique est un défi pour la viticulture. La qualité du vin suppose une parfaite adéquation entre type de vin, conditions agro-climatiques et mode de conduite. En toute logique, un changement de climat devrait entraîner un changement des pratiques viticoles. En région méditerranéenne, le sujet est d’autant plus préoccupant que les conditions actuelles poussent à la production de vins plus concentrés et à fort degré alcoolique, compromettent l’atteinte des objectifs de production. Ces effets sont néanmoins difficiles à quantifier. La modélisation mécaniste agro-climatique permet de mieux chiffrer l’impact de l’évolution climatique sur la production viticole, et surtout de proposer des solutions pour s’y adapter.

À titre d’exemple, la société itk, spécialiste du développement d’Outils d’Aide à la Décision, a réalisé une étude sur un vignoble type des Costières de Nîmes. Ce travail repose sur des simulations faites avec le logiciel Vintel, développé dans le cadre d’un projet collaboratif associant des équipes de l’INRA, du CIRAD, et d’IRSTEA, des caves coopératives languedociennes, la Chambre d’Agriculture de l’Hérault et l’Association Climatique de l’Hérault. Elle porte sur l’évolution du déficit hydrique subi par le vignoble ces 6 dernières décennies (1955-2014) et de l’effet du mode de conduite de la vigne sur ce dernier. Les résultats (Figure.1) indiquent que sur la période 1955/1974, le mode de conduite de l’appellation était bien adapté à la production de vins rouges de qualité sans irrigation. De 1975 à 1994, on observe une dérive sensible avec des déficits hydriques plus fréquents. La situation s’aggrave encore plus entre 1995 et 2014. Ces résultats confirment que le mode de conduite traditionnel était bien adapté au climat jusqu’au milieu des années 70. Mais dans le contexte climatique actuel, ce mode de conduite engendre un déficit hydrique structurel néfaste à la qualité et potentiellement au rendement. L’irrigation est la solution la plus immédiate pour faire face à cette évolution, bien qu’elle reste un sujet controversé.  Vintel permet de chiffrer les besoins potentiels en eau pour les vignobles qui envisagent de passer à une irrigation bien maîtrisée. Grâce à la précision des simulations quotidiennes, Vintel permet de raisonner l’irrigation selon deux modes. L’irrigation optimale, visant à maintenir constamment un état hydrique optimisé. L’irrigation minimale, déclenchant l’irrigation au moment où le déficit hydrique apparait. La différence de consommation d’eau est substantielle entre ces deux modes d’irrigation (52%, Figure.2). Prenant en compte le mode de conduite de la vigne, Vintel permet aussi de rechercher des stratégies permettant de réduire les besoins en eau, sans réduire le potentiel de rendement. Ainsi, le passage à un interrang de 2m à 2,5m, permettrait de réduire la consommation d’eau d’environ 24% dans le cadre de cette étude. Ces résultats théoriques montrent d’ores et déjà que la modélisation permet de proposer des stratégies d’adaptation à court terme (irrigation optimisée) et moyen terme (modification mineure du mode de plantation). Ce type de mesure permettrait une adaptation rapide du vignoble au nouveau contexte climatique, en attendant des solutions à plus long terme telles que celles sur lesquelles ont travaillées l’INRA et l’IFV dans le cadre du programme de recherche Laccave.

Marek DUPUTEL & Philippe STOOP

Figure11

Figure22